« L’étincelle de lecture » de Blanche Bitga : SOCIETE / FAMILLE : CES SECRETS DE LA HONTE

Inceste, vols, viols, meurtres…Les familles ont depuis toujours eu des secrets qu’elles couvent à tous les prix, y compris celui de la vie. La honte face au regard des autres est l’excuse évoquée pour justifier ces silences complices. Mais l’héritage et le fardeau pour la  progéniture, sont souvent plus lourds que de simples apparences à sauvegarder.

Au quartier Efoulan à Yaoundé, un homme est condamné à deux années d‘isolement total par le tribunal coutumier, personne ne lui adressera la parole et vice versa durant cette période. Il a été accusé et reconnu coupable d’inceste ; il serait le père géniteur des deux enfants de sa propre fille : 11 ans et 13ans. C’est donc une vieille histoire, remise au gout du jour par l’oncle de la jeune fille, outré que cela soit resté dans le  secret et impuni depuis le moment du forfait. Certains ont jugé la sanction bien en deçà du tort commis jugé irréparable, mais le plus outrageant reste le fait que l’histoire n’était pas inconnue de tous. En effet la jeune fille avait déjà alerté une tante ou deux de ces attouchements et agissements de son géniteur, « il ne faut pas que ça se sache » lui aurait-on rétorqué.

Des histoires similaires, l’on peut en répertorier pour tout un recueil de nouvelles ; Des oncles violeurs, des frères et sœurs incestueux, des époux homosexuels camouflés, des épouses adultérines avec leurs propres fils, des assassins de grand-mères, des époux qui abusent de leurs propres fils…Bref…les murs sont des témoins malheureusement muets de plusieurs drames que vivent des familles entières. Mais par peur du regard des autres, pour protéger l’image à renvoyer ou la réputation de la famille, par peur du jugement de personnes à qui on ne doit rien et qui d’ailleurs ne sont pas à l’abri de situations similaires, eh bien on choisit de garder silence. On ouvre alors une porte d’infinies possibilités de récidives à l’indélicat, et tout un univers de frustrations et de traumatismes pour la victime.

Homosexuels en puissance, violeurs en série, déséquilibrés mentaux, dépendants affectifs, possédés et hantés spirituellement…Voilà l’héritage de ces secrets de la honte. Personne ne doit en parler, et donc pas de prise en charge selon le cas, jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard, comme cela arrive très souvent. Des vies sacrifiées sous le prétexte de la protéger. Pourtant si l’on accepte le fait qu’aucune vérité ne saurait rester cachée à vie, alors on apprendrait à régler chaque situation dès qu’elle se présente, faire de la première la dernière fois ; privilégier l’être au paraitre,  préférer le scandale d’aujourd’hui plutôt que le drame de demain, choisir de sauver la vie et non pas les avis.