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Produits de contrebande : la distraction du gouvernement

Écrit par sur 23 février 2021

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Alors que le phénomène prend de l’ampleur, induisant des risques sanitaires et des pertes, le gouvernement minimise et se montre laxiste à l’éradiquer, tout en le laissant croire le contraire

Au cours d’une descente le 20 février 2021 dans quelques snack-bars et boites de nuit à la suite de la découverte d’un énième site de contrefaçon des liqueurs dans la ville de Yaoundé, le ministre du commerce Luc Magloire Atangana a déclaré que « je voudrais vraiment rassurer les consommateurs que les produits qui sont sur notre marché sont sous surveillance et conforme pour l’essentiel », avant de poursuivre en promettant que son ministère va remonter la chaine pour savoir qui a livré ces produits, quelles sont les sources d’approvisionnement et ce qu’ils allaient faire. A Douala déjà quelques jours avant, deux individus ont été présentés à la presse, interpellés par les éléments de l’état-major de la deuxième région de gendarmerie pour fabrication et vente des boissons illicites dans leur laboratoire situé au quartier New Bell. On peut évoquer aussi la découverte le 9 octobre 2020 à Douala Bonabéri de deux unités de production de vins et whisky en sachet. C’est dire que l’activité est florissante et les produits alimentent bien le marché camerounais.

Ampleur

Presqu’au même moment où le ministre faisait sa descente et minimisait le phénomène de contrefaçon, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montrait des individus au quartier Yassa à Douala, qui se sont spécialisés dans le siphonage des bouteilles de gaz domestique. Ils s’appliquent à l’aide des bouts de tuyau à vider de moitié les bouteilles pleines au profit d’autres bouteilles, pour avoir à la fin le double de bouteilles à moitié pleines, livrés par la suite sur le marché comme des bouteilles normales. Nous sommes en février 2021, et cette pratique se fait encore pratiquement à ciel ouvert dans la capitale économique. La circulation de cette vidéo a provoqué la descente le 20 février du délégué régional du ministère du Commerce pour le Littoral en compagnie du préfet du Wouri. Descente qui a permis de démanteler plus de 600 bouteilles de gaz, des scellés des camions citernes et des bouteilles de gaz, ainsi qu’une variété de tuyaux. En remontant 5 ans en arrière, on se rappelle également qu’au début du mois d’octobre 2016, Les éléments de la brigade de contrôle et de répression des fraudes de la délégation départementale du ministère du Commerce pour le Mfoundi, avaient effectué une saisie de 435 bouteilles de gaz domestique dans une concession familiale au quartier Kondengui, dans la capitale camerounaise. En dehors de ces cas, un autre produit frelaté et de contrebande qui s’écoule au Cameroun sous le nez et la barbe des autorités, c’est le carburant, désormais vendu à la sauvette même à des endroits les plus insoupçonnées des villes et des axes routiers, que traversent chaque jour des cortèges ministériels ou des autorités administratives en tournée dans leurs territoires de commandement.

Laxisme étatique

Ce qui est regrettable dans le phénomène de contrefaçon, c’est que pendant que les populations s’inquiètent pour leur santé et celles des enfants, pendant que les consommateurs de gaz ne savent plus à quel saint se vouer, que les propriétaires des véhiculent redoutent la qualité du carburant et que les consommateurs des liqueurs se méfient des marques même les plus luxueuses, l’autorité gouvernementale semble relativiser la situation. En plus, tout laisse penser qu’elle ne fait pas assez pour dissuader les spécialistes de la contrefaçon et de la contrebande. Par exemple, pourquoi, depuis que l’on dénonce la vente du carburant en bordure des routes dans les villes, le phénomène prospère, avec de nouveaux points de ventes chaque jour ? Pourquoi, avec des unités de contrôle dans les services centraux et déconcentrés du ministère du Commerce, les marchés sont inondés des produits à la provenance douteuse.

Quelques fois, pour des besoins de propagande de l’action des forces de l’ordre, la presse est invitée lors d’une descente, ou des présumés auteurs et complices sont présentés aux médias après coup. Sauf que tout s’arrête généralement là. La même presse qui a été sollicitée pour faire la descente n’est plus informée de la suite des enquêtes et des procès intentés contre les présumés coupables. L’on n’a jamais eu droit au Cameroun, comme on le voit ailleurs, à une conférence de presse donnée par un procureur pour informer l’opinion de ce qu’il est advenu des individus pris en flagrant délit de contrefaçon, et souvent quand les médias reviennent dans les mêmes unités de commissariat pour s’enquérir sur l’évolution d’une situation à laquelle ils ont été associés au départ, l’information n’est pas évidente. Ce qui laisse planer des soupçons sur le sérieux de toute la chaine étatique dans la traque de la contrebande ou de la contrefaçon.

Pertes

Il y a un peu plus de 3 ans, dans un rapport publié le 1er décembre 2017 par le ministère des Finances, on apprenait que le Cameroun perd annuellement plus de 100 milliards de francs CFA en raison de la contrebande et la contrefaçon qui touchent à tous les secteurs d’activités du pays. Le directeur général des douanes Edwin Fongod Nuvaga, confiait alors que  depuis le 1er juin 2017, des équipes opérationnelles des douanes avaient procédé à un maillage systématique du territoire national à la recherche des marchandises sensibles à origine douteuse, telles que les alcools, les produits cosmétiques, les boissons, le ciment, les produits ferreux, les cigarettes, le sucre, les véhicules de luxe, les produits pétroliers, les huiles végétales, etc. L’opération Halte au commerce illicite  avait ainsi enregistré de nombreuses saisies de marchandises de contrebande et de contrefaçon. Le rapport indiquait également que ces maux sont la cause de la faillite de plusieurs entreprises locales. Il est fort à parier que ce chiffre de 100 milliards de perte par an doit avoir augmenté en 2021, eu égard à l’ingéniosité dont font preuve les acteurs, qui ne tarissement pas d’imagination. Il va de soi également que la contrefaçon et la contrebande ne touchent pas seulement à la  santé financière des entreprises, mais aussi à la santé physique des consommateurs. Et quand lors d’une descente pour constater le phénomène, le ministre du commerce en vient à affirmer que les produits qui sont sur notre marché « sont sous surveillance et conforme pour l’essentiel », il confirme là simplement que les membres du gouvernement et les populations ne vivent pas dans le même pays, ou plutôt que dans le même pays, il y a Camerounais à part entière comme eux, et des camerounais entièrement à part comme les autres…exposés aux produits de contrefaçon.

Roland TSAPI

 

 


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