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Figure : Kamé Winton Samuel, le théoricien du parti unique.

Formé à la haute administration coloniale, il est celui sur qui le président Ahmadou Ahidjo s’est appuyé pour dissoudre les partis politiques au Cameroun et instaurer le parti unique. A sa façon, il voulait contribuer à la construction de l’unité nationale.

Dans la cadre de la gestion de ses colonies, la France transforma en 1934 l’ancienne école coloniale en Ecole nationale de la France d’outre-mer, Enfom, qui formait les cadres de l’administration coloniale. En 1950, l’Enfom n’avait formé qu’une dizaine d’administrateurs africains sur les 1 800 administrateurs français en activité. Peu d’Africains disposaient alors des diplômes exigés au concours d’entrée dans cette école. Kamé Samuel fut le premier Camerounais à présenter avec succès ce concours où il était en compétition avec 55 Français métropolitains dont dix seulement sont admis avec lui. Plus tard, ce jeune administrateur retourna au  pays et devint rapidement la cheville ouvrière du parti unique qu’il presque construit seul, ce qui lui a valu l’appellation d’idéologue du parti unique.

Kamé Winton Samuel, de son nom complet, est né le 24 décembre 1926 à Baham Orphelin de son père en bas âge, il est élevé à la chefferie Baham par son oncle, le chef Max Kamwa. Il effectue ses études primaires élémentaires à l’École des fils de chefs de la région du Noun, et obtient à 14 ans  son Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE), major de sa promotion. Ensuite c’est l’École primaire supérieure de l’administration de Yaoundé, créé par l’administration coloniale française en 1921. Il en sort diplômé en 1942, c’est dans cette école qu’il fit la  connaissance d’Ahmadou Ahidjo, inscrit un an plus tôt dans la section « Radiotélégraphie ». En 1946, il obtient une bourse du Territoire pour poursuivre ses études secondaires et supérieures en France, et entre au lycée d’État Carnot à Cannes. À la fin de l’année 1948 il obtient la deuxième partie de son baccalauréat et présente avec succès le concours de l’Institut d’études politiques de Paris (IEP) où il s’inscrit en section « Service public ». Il en sort diplômé 4 ans plus tard le 19 novembre 1952, avant de compléter sa formation d’administrateur à l’Ecole nationale de France d’Outre-mer en 1955.

Après la fin de sa formation à l’ENFOM au mois d’octobre 1957, Kamé Samuel est affecté comme administrateur en région Bamiléké au Cameroun. Le 23 octobre 1957, il est nommé par Pierre Messmer  Haut-commissaire de la République française au Cameroun, 2e adjoint au chef de région Bamiléké avec résidence à Dschang. Sur l’ensemble du territoire à l’époque, c’est la fonction de commandement la plus élevée, occupée par un Camerounais. Il prend ses fonctions en région Bamiléké dans un contexte de développement important d’actes de violence d’inspiration politique. Opposé à ce qu’il nomme la « forme occidentale de démocratie », il défend un système politique reposant sur le pouvoir des chefs traditionnels.

Nationalisation de la sécurité

Dans ses fonctions de secrétaire permanent du conseil supérieur de la défense nationale, président du comité technique de la défense nationale, Kamé Samuel prône la conquête de la souveraineté nationale dans la politique de sécurité. Pour ce faire il considère que le Cameroun doit : compter autant que faire se peut sur ses propres moyens. Il recommande, pour la défense intérieure du territoire, la constitution d’unités territoriales de la gendarmerie et de l’armée ainsi que des unités civiles régionales à mobiliser en cas de besoin. A l’époque, la gendarmerie nationale camerounaise est commandée par le lieutenant-colonel Aurousseau ; l’Armée de terre par le lieutenant-colonel Gaillet ; la Marine basée à Douala par l’enseigne de vaisseau Hubert ; l’Armée de l’air par le commandant Jeguou ; et l’École militaire interarmes par le capitaine Baron Louis, tous des expatriés. Kamé Samuel souhaite que la camerounisation des commandements se fasse de façon accélérée mais sans préjudice de la qualité des Forces armées en matière de technique et de discipline. À ce sujet, il considère qu’aucun emploi ne doit être confié à un membre de l’assistance technique s’il existe un Camerounais susceptible de l’occuper valablement. Dans le cas où l’assistance technique est nécessaire, il recommande de prévoir un adjoint camerounais qui occupera la fonction après le départ du militaire étranger. Pour lui, les fonctions de direction ou de responsabilité dans l’armée, la gendarmerie et la police ne doivent être confiées à l’assistance technique étrangère qu’à titre exceptionnel et momentané, et uniquement dans les cas où il n’est pas possible de leur substituer un national. Il considère que le rôle des militaires de l’Assistance technique doit être essentiellement de conseil et de formation et non de décision et de responsabilité.

 

 

L’idéologue du parti unique

 

Par une décision administrative en date du 21 janvier 1959, Xavier Torre, le Haut-Commissaire de la République française au Cameroun, avait mis Kamé Samuel, administrateur de la France d’Outre-mer, à la disposition du Premier ministre, chef du gouvernement camerounais, à compter du 1er janvier 1959. Jusqu’à cette date, le statut d’administrateur de la France d’Outre-mer l’’empêchait d’avoir une activité officielle dans un parti politique. L’engagement politique de Kamé Samuel auprès du Premier ministre Ahmadou Ahidjo devient public.

Après le démarrage officiel des activités de l’UNC, Kamé Samuel engage la rédaction de la Charte et du Règlement intérieur du parti. Ces textes sont adoptés au congrès de Garoua au mois de mars 1969. Durant le premier semestre de l’année 1967, il supervise l’organisation et l’implantation des organes de l’UNC au Cameroun occidental. Il coordonne également les élections législatives du 31 décembre 1966 au Cameroun occidental ainsi que les élections municipales des mois de mai et juin 1967 sur tout l’ensemble du territoire. C’est en effet à l’occasion de ces scrutins que l’UNC est amenée, pour la première fois, à investir des candidats sur une liste unique. Le 1er congrès de l’UNC se tiendra du 10 au 15 mars 1969 à Garoua. À son terme, Kamé Samuel est membre de son Bureau politique avec le titre de secrétaire à l’organisation. Le Bureau politique est alors l’organe suprême qui assiste le président national dans la conduite du parti. C’est, à titre d’illustration, le bureau politique de l’UNC qui statue en dernier ressort sur la composition des listes de candidatures aux différentes consultations électorales. Pendant 16 ans il a ainsi été l’idéologue du parti unique, et quitte le Bureau politique de l’UNC au mois de mars 1985, lorsqu’il devient le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Au mois d’octobre 1991, il est convié par le président Paul Biya à la Conférence tripartite qui permet de sortir le Cameroun de la crise politique qui précéda le rétablissement du pluralisme politique. L’homme tire sa révérence le 25 mai 1998 à Douala à l’âge de 71 ans, ayant à sa manière œuvré à la construction de l’unité nationale, qui d’après lui devait passer par un parti unifié et fédérateur des masses populaires, seules détentrices du pouvoir suprême

Roland TSAPI