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Figure : Justin Dioro, la probité qui vient de Kiiki

Il a servi le pays dans divers gouvernements, à une époque où le pays a été classé pays le plus corrompu, mais malgré son passage dans des ministères clés, il a laissé derrière un exemple d’honnêteté.

Le 3 mars 2007, le premier ministre chef du gouvernement camerounais Inoni Ephraïm à l’époque, arrivait dans le village Kiiki dans le département du Mbam et Inoubou, région du centre, et s’installait à la première loge d’une tribune. En face de lui, un cercueil recouvert aux couleurs nationales, et pour lequel près de 5000 hommes avaient bravé la rudesse de la nature pour arriver ce même jour, chacun tenant à rendre un dernier hommage à un haut commis de l’Etat, qui avait démontré durant toute sa riche carrière dans le gouvernement et dans les entreprises publiques que l’on pouvait servir le pays sans se servir, et c’est à l’unanimité que tout le monde l’avait surnommé « monsieur propre » ou le « blanc du Mbam. »

Justin Ndioro a Yombo, puisqu’il s’agit de lui, avait rendu l’âme deux mois plus tôt, le 28 janvier 2007, emportant avec lui la réputation de sérieux et de rigueur qu’il avait trainé presque toute sa vie scolaire et professionnelle. Il était né le 5 janvier 1949 à Bafia, originaire du quartier Dogbang de l’arrondissement de Kiiki, de Samuel Yombo à Itori, infirmier à la Mission protestante de Donenkeng et de Magon à Bitob originaire de Gouifé. Il fit ses études secondaires au Lycée de Nkongsamba, couronnées par un baccalauréat en mathématiques élémentaires en 1967. Puis suivant la marée, il s’envole pour la métropole coloniale, où il fit d’abord les cours des mathématiques spéciales au Lycée Camille Guérin de Poitier, avant de présenter avec succès le concours d’entrée à l’Ecole Centrale de Paris en 1969, d’où il sortira quatre ans plus tard, muni d’un diplôme d’ingénieur et major de sa promotion en 1972. Retour au pays natal l’année suivante. Le jeune diplômé de 23 ans est engagé comme ingénieur en Chef dans une structure mise sur pied par l’Etat pour conduire les travaux de génie civil dans un pays en construction, le Matgénie. Un an après, à 24 ans il est nommé directeur Général adjoint de la Société nationale d’électricité, qui était en réalité le point de chute de tous les ingénieures de la Centrale de Paris. Il fait alors partie de la première vague de jeunes Camerounais qui ont la lourde responsabilité de fournie l’énergie nécessaire au décollage industriel du pays. Et il s’applique avec abnégation pendant 12 ans jusqu’en 1986, date à laquelle il entame une nouvelle aventure comme directeur Général de Aluminium du Cameroun, filiale du groupe français Péchiney. Le premier juillet 1988, il cumule avec les fonctions de directeur général de la Socatral, président des sociétés Alubassa et Metalu, et administrateur des filiales du Groupe au Congo et en République Centrafricaine.

Poisson propre dans une eau sale

Après les entités publiques ou plus ou moins privées, Justin Dioro est appelé au service de l’Etat dès 1991. Le président Paul Biya qui cherche du personnel pouvant l’aider à implémenter sa politique de rigueur et de moralisation, trouve en lui une bonne mise, et place sa confiance en lui pendant 16 dans divers gouvernements. Ministre des Finances dans le gouvernement Sadou Hayatou en 1991 et celui de Simon Achidi Achu, de mars à octobre 1992. Après un bref retrait, il est appelé comme conseiller spécial du président de la république en décembre 1993. Il suit notamment le dossier des négociations financières internationales, en préparation à la dévaluation du franc Cfa. Dans la continuité, il est nommé le 21 juillet 1994, ministre de l’Economie et des Finances. Il aura la charge notamment de négocier au nom du Cameroun les conditions de la dévaluation de la monnaie. En septembre 1996, il lui est confié le portefeuille du ministère du développement industriel et commercial dans le gouvernement  Peter Mafany Musonge, puis celui du ministère des Investissements publics et du Développement régional le 7 décembre 1997, poste qu’il occupe jusqu’au 18 mars 2000. Il quitte le gouvernement mais le président Paul Biya le garde auprès de lui  comme Chargé de missions à la Présidence de la République, d’où il est envoyé assurer brièvement l’intérim au ministère de l’Eau et de l’énergie en  2006.

Les obsèques d’un disparu sont souvent l’occasion de le polir, mais ce ne pas le cas pour Justin Dioro, il n’avait manifestement rien qu’il fallait polir, ayant déjà été qualifié de monsieur propre de son vivant.  » C’est pour moi l’occasion de
dire aux jeunes que le pays vient de perdre un modèle de probité… Je
peux témoigner de son intégrité aux Finances et à la Présidence de la
République « ,
disait Inoni Ephraïm à cette occasion, avant de le présenter aux jeunes comme un exemple de probité morale. D’autres témoignages font état de ce que malgré sa stature et ses hautes fonctions, ayant servi pendant 16 ans dans plusieurs gouvernements et sous au moins trois premiers ministres, il est resté froid devant les masses d’argent dont il avait la gestion à chaque fois, faisant bien la distinction entre son salaire et les caisses de l’Etat. Beaucoup ont été surpris en 2007 lors de ses obsèques, que son corps repose plutôt dans le caveau familial derrière une case parental modeste, encore  dans la nature, alors qu’à quelques encablures de ce village, le visiteur ne manquait
pas d’être frappé par la prestance de nombreux châteaux forts marbrés à
l’image du palais d’Etoudi, et construits par des personnalités de même
statut social. A ce sujet, le premier ministre remarqua lors de son témoignage que “ Justin Ndioro avait choisi de laisser à la postérité une trace immatérielle ”. « Justin sur les traces de Juste », « Justin Dioro, un modèle de probité dans un Cameroun corrompu », « Justin Dioro ou la leçon d’humilité qui vient de Kiiki », sont autant de Une qui ont barré les journaux à l’annonce du décès de cet homme, qui malgré ces qualités, n’aura pas passé plus de 58 ans sur terre. Ce qui laisse penser que Justin le Juste, aura été victime d’une certaine injustice de la nature. Ce qui n’enlève rien au modèle qu’il reste, dont les autres gouvernants devraient s’inspirer, car comme l’a rappelé à l’occasion de ses obsèques le révérend Dieudonné Massi Gams, actuel président de la Conac, quel que soit ta grandeur, tu es poussière, et tu es retournera poussière.

Roland TSAPI