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Discours à la nation : Noso, trois ans de surplace.

La situation des régions anglophones est revenue dans les discours de fin d’année depuis 2018, avec une même litanie et sans nouvelles mesures concrète visant à ramener la paix tant souhaité.

Depuis octobre 2018 que le président Paul Biya a pris son 7eme mandat à la tête du Cameroun, il a en décembre 2020 fait son troisième discours de fin d’année à la nation. Pendant tout ce temps, la préoccupation essentielle du pays tout entier reste la sécurité intérieure, fortement détériorée par des revendications sécessionnistes dans les régions anglophones, les attaques de la secte Boko Haram à l’Extrême Nord et des menaces à la frontière Est du pays. Adressant le sujet de la crise anglophone, le président de la république dans son discours de fin d’année 2018 disait : « Si l’appel à déposer les armes que j’ai lancé aux entrepreneurs de guerre reste sans réponse, les forces de défense et de sécurité recevront instruction de les neutraliser. Je suis bien conscient en effet de la désolation que ces insurgés infligent aux populations de ces régions. Cette situation ne peut plus durer. Dans un esprit de concorde nationale, j’ai décidé, pour éviter le recours à des mesures extrêmes, de créer un « Comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration ». Cet organisme, placé sous l’autorité du Premier Ministre, aura pour mission d’organiser, d’encadrer et de gérer le désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants de Boko Haram et des groupes armés du Nord-Ouest et du Sud-Ouest désireux de répondre favorablement à l’offre de paix qui leur a été faite. Cette initiative, je le souligne, offre une porte de sortie honorable à ces ex-combattants ainsi qu’une perspective de réinsertion sociale. Elle devrait permettre le retour au calme et à une vie normale. » Dans ce discours, le mot paix avait été prononcé 4 fois au total sur les 1698 mots utilisés.

Statut quo

Fin 2019, la question de la sécurité dans ces deux régions est revenue en ces termes : « C’est sans aucun doute, pour le moment, l’un des problèmes les plus urgents. L’activité criminelle des groupes armés continue de perturber la vie publique, économique et sociale dans ces régions. Pourtant, ces derniers mois, diverses mesures ont été prises pour ramener à la raison ces jeunes qui, pour la plupart, se sont laissé endoctriner. Des appels à déposer les armes leur ont notamment été lancés et des perspectives de réinsertion sociale ouvertes.Pour ceux qui s’obstinent à demeurer  dans la mauvaise voie et qui continuent à avoir recours à la violence, nous n’aurons pas d’autre choix que de les combattre pour protéger tous nos concitoyens. Nos forces de défense et de sécurité feront une fois de plus leur devoir avec mesure, mais sans faiblesse. Je veux ici les assurer de mon total soutien et de ma haute considération. » Dans ce discours également, le mot « paix » a été utilisé 4 fois sur les 1699 mots qui constituaient le discours.

Après cela le pays est entré dans l’année 2020, qui s’est une fois de plus achevée avec des larmes qui ont coulé abondamment, surtout avec le massacre de 7 enfants dans une école à Kumba le 24 octobre 2020. Ce qu’il a relevé dans son discours de fin d’année 2020 : « La situation est différente dans nos régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest où des groupes armés, entretiennent un climat de terreur et d’insécurité. C’est ainsi que, périodiquement, ils attaquent des communautés isolées et également des établissements d’enseignement pour dissuader les parents d’y envoyer leurs enfants. La liste est déjà longue des exactions et des crimes qu’ils ont commis. L’un des plus odieux est celui qui a eu lieu récemment à Kumba et qui s’est soldé par la mort de 07 écoliers et des blessures infligées à plusieurs autres.Ce crime qui choque la conscience humaine, ne restera pas impuni. Tous les coupables seront recherchés sans relâche, et traduits devant la justice. D’ores et déjà, l’opinion publique, et particulièrement celle de nos deux régions concernées, peut se rendre compte, si ce n’est déjà fait, que ces soi-disant « sécessionnistes » ne sont en réalité que des assassins, et qui plus est, des assassins d’enfants innocents. C’est peu dire que la tuerie de Kumba a suscité l’indignation générale. C’est le moment pour moi d’en appeler, une fois de plus, à la responsabilité des pays amis qui hébergent les commanditaires et des organisations qui financent et animent, par divers canaux, les bandes armées dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Tous ceux qui, au terme des enquêtes, seront identifiés comme donneurs d’ordres ou complices de ces crimes odieux, devront répondre de leurs actes. Pourtant, notre Gouvernement n’a jamais cessé d’apporter la preuve de sa volonté d’ouverture et de dialogue en libérant par exemple de nombreux ex-sécessionnistes et en facilitant leur réinsertion dans la société… L’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest n’a que trop porté préjudice à notre pays. » Dans ce troisième discours, le mot paix a été utilisé 2 fois pas plus, sur les 1971 mots employés.

Changer de potion

De ces trois discours, le constat est que la sécurité intérieure, notamment dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest fait du surplace, si elle ne régresse pas simplement. Des menaces de donner instructions aux forces armées de neutraliser les sécessionnistes en 2018, le président Paul Biya en est arrivé à engager la responsabilité des pays amis qui hébergeraient des commanditaires des bandes armées dans les régions anglophones. C’est dire que la situation n’est pas toujours sous contrôle, et c’est le lieu une fois de plus de questionner la sincérité de la volonté politique derrière cette recherche du retour à la normale. Le champ lexical du président de la république ne rassure pas déjà, quand en trois discours de fin d’année le mot paix est prononcé seulement 10 fois, car comme le dit l’adage, de l’abondance du cœur, la bouche parle. Ce vocable et ses variantes devraient abonder dans ses discours. Il ne cesse d’évoquer des mesures prises, tout en reconnaissant lui-même qu’elles n’ont pas fait évoluer la situation. Pourquoi donc ne pas passer à autre chose ? Pour éviter la division du pays, de fortes propositions parlent de fédéralisme, sauf que le pouvoir de Yaoundé a horreur de ce mot comme de la peste, lequel mot n’est même pas apparu dans les trois derniers discours à la nation du chef de l’Etat. « L’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest n’a que trop porté préjudice à notre pays », a reconnu Paul Biya dans son dernier discours, alors n’est-il pas temps de cesser de tourner autour du pot, en mettant sur une table de discussion la forme de l’Etat, quitte à convaincre par la force de l’argument qu’elle ne doit pas être touchée. Une nouvelle année n’est-elle pas aussi synonyme de nouvelles méthodes ?

Roland TSAPI