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Liberté d’expression : le rouleau compresseur

Écrit par sur 24 mars 2021

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Le pouvoir n’hésite pas à se déchaîner sur les esprits libres et indépendants. Le professeur Messanga Nyamding en a fait les frais.

Le rouleau compresseur, appelé également compacteur, est un engin de compactage anciennement à traction animale, aujourd’hui motorisé, caractérisé par des roues cylindriques lisses ou à relief dit « pied de mouton », servant à tasser le sol support ou toute autre couche d’une voie carrossable. Un rouleau compresseur est généralement très lourd, un modèle compact pèse environ 600-700 kg, un très grand jusqu’à une vingtaine de tonnes, articulé en son milieu et équipé de deux larges cylindres appelé « billes », de la largeur du véhicule faisant office de roues (ou encore d’un cylindre à l’avant et de roues à l’arrière, voire uniquement des roues) et permettant de tasser, compacter et lisser un sol remblayé ou l’enrobé d’une route. Les modèles utilisés sur les enrobés ont un système d’arrosage intégré pour refroidir les billes et éviter que l’enrobé ne s’y colle et provoque des arrachements, l’ensemble de ces engins possède un vibreur à balourd interne. Par analogie, dans l’expression courante, le rouleau compresseur désigne une chose, une personne qui avance et écrase tout sur son passage, implacablement, ou renvoie à une machine judiciaire ou administrative, ou les deux à la fois, enclenchée contre une personne, et qui ne néglige rien au passage qui puisse permettre de nuire à la personne visée. La technique est plus souvent utilisée en politique contre un adversaire ou tout empêcheur de tourner en rond, et l’on dit de la personne visée qu’elle est sous un rouleau compresseur.

Acharnement  

On peut en dire autant à ce jour de Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, professeur des universités et membre du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, très présent dans les médias où il est critique envers le gouvernement et ses camarades du parti qui sont aux affaires, tout en se réclamant être un fervent supporter du président Paul Biya, un biyaiste. Le 6 mars 2021, le Chef d’Escadron Dieudonné Bialo, chef du service central des recherches judiciaires de la gendarmerie nationale, a signé une convocation à lui adressée, l’invitant à se présenter le 09 mars 2021 au Secrétariat d’Etat à la Défense (SED), sur « une enquête ouverte sur instruction de notre hiérarchie, pour fausses nouvelles et autres.» Répondant à la convocation, il a été auditionné pendant 4 heures de temps, et à la sortie il s’est montré confiant en déclarant à la presse « Plus de peur que de mal. Les motifs qui m’ont amené ici, la propagation de fausses nouvelles n’étaient pas fondés. J’ai été très bien traité. Le PV a duré de 10h à 14h. Tout s’est bien passé. En réalité, je ne comprends toujours pas le fondement de cette convocation même si on m’a dit qu’on ne m’appelait pas comme prévenu et qu’on voulait tout simplement m’entendre comme témoin sur certains points. J’ai compris ce qui se passe. » Mais le professeur au verbe franc était loin d’imaginer la suite, qui se préparait sur le terrain administratif cette fois, après le début de la phase judiciaire. 10 jours après son passage au Sed, il est remplacé dans ses fonctions de chef du département coopération et intégration à l’institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) de Yaoundé, par un arrêté du 19 mars 2021, signé du ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo. Et ce n’était pas tout. 3 jours plus tard encore, le 22 mars 2021, le même ministre est revenu à la charge, en signant un autre arrêté qui mettait le professeur Messanga Nyamding Charles « à la disposition de l’annexe de la faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Ngaoundéré à Garoua, à compter de la date de signature dudit arrêté. » Le dossier professionnel de l’intéressé devait immédiatement être transmis à l’institution d’accueil. En clair, il devra suivant l’arrêté, prendre service à 831 km de Yaoundé la capitale, et parcourir encore 278 km de plus pour dispenser les cours à Garoua, donc il sera désormais éloigné de la ville de Yaoundé de 1109 km et de Douala de 1359 km, loin des plateaux de télévision et des studios radio de ces villes sans doute.

Cri de détresse

Le 23 mars 2021, le professeur a publié un communiqué qui avait tout l’air d’un cri de détresse, intitulé  « mise au point à propos de ma situation personnelle actuelle » : « La situation est très grave en ce moment depuis mon audition au SED (Secrétariat d’Etat à la défense) le 09 mars dernier, aucun jour ne passe sans que je ne reçoive des menaces de mort ou des intimidations administratives. Cet acharnement doit s’arrêter car jusque-là rien ne justifie une telle hostilité tourbillonante vis-à-vis de moi. J’ai tout donné à mon pays et à mon parti le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) allant même jusqu’à perdre une partie de ma vue, jusqu’à perdre mon meilleur ami Charles Ateba Eyene et bien d’autres choses sur le champ de bataille politique. A l’heure où je vous écris ces quelques lignes, je vous confirme qu’ils n’ont qu’une seule intention, c’est de m’assassiner… J’ai vraiment l’impression de rêver face à cet acharnement. M’imposer ce qu’ils veulent faire là n’est pas humain », dit-il. Comme le rouleau compresseur qui compacte avec minutie toutes les parties de la route et dans le moindre détail, la machine déclenchée contre Messanga Nyamding ne néglige rien et l’attaque sur tous les terrains. En justice, dans l’administration, dans sa vie qu’il confirme être menacée. Et elle n’est pas prête de s’arrêter là. Sous cape dans les coulisses, une certaine opinion tout aussi hostile à l’homme explique que s’il est resté dans les amphithéâtres jusqu’ici, c’est par tolérance, à cause de ses défaillances visuelles qui le disqualifient pour enseigner, et il n’est pas exclu que cette raison soit utilisée pour l’éloigner complètement de ce qu’il aime le plus, l’enseignement et à travers lequel il passe ses idées qui sont jugées dans le milieu de politiquement incorrectes. Il est certain que son sort serait différent s’il faisait comme la majorité muette des universitaires, réduits à de simples signataires des motions de soutien à de nouvelles candidatures. Mais une chose est certaine, quand la politique réduit la science au silence, le développement stagne et régresse, le pays sombre dans l’abîme.

Roland TSAPI

 

 


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