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Gouvernance : la décentralisation à l’épreuve des faits

Écrit par sur 3 mars 2021

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écoutez l’éditorial

 

Les constants bras de fer entre les autorités administratives et les élus locaux montrent au quotidien que le pouvoir central ne veut pas encore de décentralisation au Cameroun.

Dans le cadre de la prévention de la propagation du coronavirus, le maire de l’arrondissement de Douala 1er a signé le 24 février 2021 la note de service numéro 004 portant fermeture des écoles maternelles communales de son arrondissement. Il justifiait la décision par le fait que les écoles restent un foyer de contamination, et pour « lutter contre la propagation du coronavirus à notre manière et tenant compte des informations concordantes sur la persistance de cette pandémie, les écoles maternelles communales de Douala 1er sont fermées à partir du lundi 1er mars 2021 jusqu’à nouvel ordre.» Le 01 mars 2021, jour de mise en application, il est revenu sa décision dans la note de service numéro 005, portant cette fois fonctionnement des mêmes écoles. Moins catégorique dans cette deuxième note, il explique qu’après avoir constaté une certaine dégradation de la santé de certains enfants de ces écoles, « la commune d’arrondissement de Douala 1er a décidé de suspendre momentanément les cours afin de procéder à la désinfection des 7 écoles maternelles municipales du 1er au 7 mars 2021. » Le lendemain de la rectification de cette, elle a malgré tout suscité la réaction de deux autorités administratives, dans un ordre chronologique difficile à établir. Le délégué régional du ministère de l’Education de Base pour le Littoral a adressé une correspondance au délégué départemental du Wouri et à l’inspecteur d’arrondissement de Douala 1er, leur demandant de procéder dès ce jour à la réouverture de ces écoles fermées ou suspendues par le maire de Douala 1er, tout en déplorant «  que la mesure prise par monsieur le maire de la commune de Douala 1er a été hâtive, non concertée et inappropriée. » Dans le même temps, le préfet du Wouri signait un arrêté préfectoral pour rapporter également la décision du maire. Il justifiait son arrêté par l’article 39 (3) de la loi du 24 décembre 2019 portant code général des collectivités territoriales décentralisées et rapportait la décision du maire « pour atteinte à la cohésion sociale et incompétence de son auteur. »

Selon la loi…

Pour ainsi dire, le maire de la commune d’arrondissement de Douala 1er aurait attaqué les abeilles en signant sa note de service. Soit il avait oublié qu’il était dans un Etat, soit il avait pensé qu’il était dans un Etat unitaire décentralisé où des compétences sont transférées aux communes et aux régions. D’après l’article 161 du Code général des collectivités décentralisées en effet, les compétences suivantes sont transférées aux communes : en matière d’éducation, la création, conformément à la carte scolaire, la gestion, l’équipement, l’entretien et la maintenance des écoles maternelles et primaires et des établissements préscolaires de la commune ; le recrutement et la prise en charge du personnel et enseignant d’appoint desdites écoles, l’acquisition du matériel et des fournitures scolaires entre autres.  Mais l’interventionnisme des autorités étatiques est venu rappeler au maire que l’Etat tient encore les reines et que la dernière décision lui revient. L’article 39 invoqué par le préfet pour rapporter la décision dit « 1- Les collectivités territoriales décentralisées exercent leur missions dans le respect de la constitution, des lois et des règlements en vigueur, 2-Aucune collectivité territoriale ne peut délibérer en dehors de ses réunions légales, ni sur un objet étranger à ses compétences ou portant atteintes à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire. 3- En cas de violation par une collectivité territoriale des dispositions de l’alinéa 1 ci-dessus, la nullité de la délibération ou de l’acte incriminé est constatée par arrêté du représentant de l’Etat, sans préjudice de toute autres sanction prévues par la législation en vigueur, 4- le représentant de l’Etat prend à cet effet, toute mesure conservatoire approprié »

Condescendance étatique

Le premier constat à faire au regard de ces dispositions légales, c’est que malgré le transfert des compétences annoncé par la décentralisation, l’Etat veille et surveille. Dans le cas d’espèce, le maire a-t-il compétence pour prendre la décision, oui. Sa décision portait-elle atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire, c’est discutable. Avait-il l’intention de porter atteinte à l’ordre public ou à l’unité nationale, à ce niveau il bénéficie encore de la présomption de bonne foi, il croyait sauver des vies d’après ses notes. Mais les sorties des autorités étatiques traduisent encore et toujours l’arrogance et la condescendance vis-à-vis des élus locaux. Le but n’est autre que d’humilier le maire, et pas seulement, de rappeler à tous les élus locaux que l’Etat reste tout puissant et décide de tout. Pareille situation a été vécue dans l’arrondissement de Njombe Penja entre juin et novembre 2020, où le maire s’opposait à l’exploitation anarchique des carrières sans retombées pour les populations locales. La cause défendue était noble et louable, mais l’Etat n’a pas manqué de lui rappeler que c’est lui le plus fort, en déployant justement les forces de l’ordre pour aller déloger les adjoints au maire qui faisaient le sit-in sur le site pour empêcher le mouvement des camions, et le même code sur la décentralisation était à chaque fois évoqué. En tout état de cause, l’épisode des écoles communales de l’arrondissement de Douala 1er vient rappeler à l’opinion à quel point la décentralisation reste fragile, que le processus est loin d’avoir abouti, 25 ans après l’introduction de cette notion dans la loi fondamentale

Roland TSAPI

 

 


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