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Figure : Francis Ngannou, la force de la conviction

Écrit par sur 1 avril 2021

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Parti de rien, il est arrivé au sommet de la gloire dans sa discipline, et fait la fierté du pays de même  qu’une expérience inspirante pour la jeunesse

Il l’a promis, il l’a fait. Il est depuis le 27 mars 2021 le champion du monde des arts martiaux mixtes, titre équivalent dans cette discipline sportive à la coupe du monde. Il y a 3 ans, le 2 mars 2018, devant la presse à Douala, après avoir perdu ce titre dans la nuit du 20 au 21 janvier 2018 face à l’Américain Stipe Miocic, il disait : « Je promets d’apporter la ceinture de champion du monde au Cameroun » C’est chose faite, il a remporté le titre en battant le même adversaire d’il y a 3 ans, et avec de la méthode. A 34 ans, il fait désormais flotter le drapeau camerounais sur le toit du monde. Il est né le 5 septembre 1986 à Batié, un village de l’arrondissement de Bamendjou dans le département des Hauts Plateaux, région de l’Ouest. Élève doué pourtant, son enfance assez compliquée ne lui donne pas l’occasion de poursuivre son rêve d’architecte, ensuite d’avocat après avoir découvert combien avait coûté le divorce de ses parents. Il travaille alors dans les puits de sable tout en se voyant désormais grand boxeur, avec pour idole Mike Tyson. Jusqu’à l’âge de 22 ans quand il arrive à Douala.

Chemin sinueux

Son difficile parcours, il avait raconté lui-même au cours de la conférence de presse du 2 mars 2018 à Douala, et voici ses propos alors  recueillis et retranscrits par le journaliste Pierre Arnaud Ntchapda, publié dans le journal en ligne africatopsport.com : « Francis Ngannou est un jeune qui était au Cameroun il y a 6 ans. Il était « benskinneur » (conducteur de mototaxi), a déchargé les ballots au marché Mboppi (à Douala), a grandi avec un rêve ancré au fond de lui, un jeune qui a été foutu à la porte à l’école parce qu’il ne pouvait pas payer sa scolarité ou parce qu’il n’avait pas de stylo ou de cahier pour prendre ses cours et qui a gardé au fond de lui cette frustration qui lui a permis de faire grandir au fond de lui un rêve et l’envie de devenir quelqu’un, de prouver à ces élèves devant qui il a été foutu à la porte que ce n’était pas sa faute, que c’était juste les aléas de la vie. Mais c’était quand même frustrant. Francis Ngannou est ce jeune qui, au milieu des amis, malgré les coups forts qu’il a reçus dans la vie, s’est toujours permis de croire. Si bien qu’à 22 ans il a vendu sa moto qui lui servait de gagne-pain et avec le fruit de cette transaction s’est acheté du matériel de boxe  pour s’entraîner. Et qu’à ce moment-là personne n’a cru en lui, on le prenait pour un fou en lui citant les exemples de Joseph Bessala, Bertrand Tetsia « watabèlè » (d’anciens grands boxeurs camerounais qui ont connu une retraite difficile) et j’en passe. Mais il ne s’est pas permis de désespérer. Parce qu’il avait un rêve.»

 

En route pour l’aventure

A propos de son voyage clandestin vers l’Europe, il raconte : « Je suis parti de Douala tout seul pour Yaoundé. Là-bas j’ai pris le train pour le Nord. A partir de là j’ai  rencontré des gens. Il y avait des passeurs qui connaissaient l’itinéraire et qui nous dirigeaient. C’est là où j’ai commencé à rencontrer des jeunes qui étaient Camerounais comme moi. On s’est rencontrés à Kano au Nigeria pour aller à Yola. Nous avons  traversé le Niger. C’est là où l’aventure a commencé, la traversée du désert qui heureusement pour nous s’est bien passée. Nous sommes arrivés en Algérie où le mauvais film a commencé. C’est là où je me suis rendu compte que j’avais emprunté un train sans connaître sa destination. C’est un chemin qui est difficile et si à partir d’un moment tu veux faire marche arrière tu ne peux plus. C’est pourquoi certains jeunes aujourd’hui, même en Libye malgré les conditions qu’ils vivent, ne peuvent pas revenir. Je les comprends. J’ai été  dans cette situation j’ai mis ma vie en danger. Je n’arrive pas à croire que j’ai fait certaines choses.  C’était difficile. On a fouillé dans les poubelles, dormi dans les champs ». Une fois en Europe, cet épisode de sa vie est résumé par le journaliste français Eric Michel dans le journal le Parisien du 19 janvier 2018, qui parle de lui comme « un immense gaillard d’un mètre quatre-vingt-treize  qui traîne sa misère dans les rues de Paris. Ce sans domicile fixe, qui dort dans les parkings publics, a alors 28 ans et un passé décomposé. » Il est repéré une nuit par Khater Yenbou, directeur de l’association humanitaire «La Chorba» qui l’a recueilli à Paris. Il était seul, sans ami ni aucun proche. Il était abandonné, sans argent mais plein de bonté. Il lui propose de devenir bénévole dans l’association et il se chargera pendant longtemps de la distribution des repas. Le hasard faisant bien les choses, les bureaux de cette association se trouvent être proche d’une salle de boxe, la MMA factory. Francis ne demandait mieux. Quand il est présenté par son employeur de l’association à Fernand Lopez, le responsable de cette salle comme un jeune qui veut faire la boxe, il est immédiatement adopté et c’est le déclic.

Difficile début

Mais se donner à cette discipline n’avait jamais été aisé. Francis Ngannou continue son histoire devant la presse à Douala : « J’ai commencé la boxe ici en 2008. J’ai par ailleurs grandi ici et j’ai vu les travers de la société. J’ai vu beaucoup de jeunes abandonner les salles de boxe pour se retrouver dans la délinquance. Cela parce qu’il n’y a ni suivi ni encadrement. Ils n’ont pas quelque chose sur laquelle ils pourraient s’accrocher. Ils se livrent à tout ce qu’ils trouvent. Que ce soit la drogue, la délinquance, le banditisme. Parfois, ce sont les seules choses qu’ils ont en tête, sous la main et ils ne réfléchissent pas. Quand je suis arrivé en Europe j’avais déjà ce problème puisque moi-même tout petit j’aimais la boxe et je vivais dans une localité rurale qu’on appelle Batié. Il n’y avait aucune structure  pour s’entraîner.  Si jamais un bienfaiteur venait à Batié et faisait une salle de sport cela m’aurait fait plaisir.

La victoire au bout

Arrivé en France, je me suis dit : «  si le bienfaiteur n’est pas venu pour moi, je peux être le bienfaiteur  de quelqu’un ». Je me suis dit que parmi ces enfants que j’avais laissés derrière, qui avaient les yeux rivés sur moi. Rien que pour ça, ça vaudrait la peine d’essayer quelque chose. Parce que moi seul sais la conviction que j’avais, plus jeune, d’être champion. Ce qui fait que la première année où j’ai eu l’occasion de revenir au Cameroun  j’ai apporté du matériel de boxe (gants, protège-tibias, protège-dents pour enfants, sacs de boxe). Malheureusement, je n’ai pas eu de structure, c’est-à-dire une salle aménagée. Je me suis rendu compte qu’il fallait repartir de zéro. J’ai pris du recul et j’ai entamé un travail de fond. Pour l’instant nous avons un projet d’association. C’est pour moi une façon de leur permettre comme moi, de rêver… Je suis  habitué aux coups durs de la vie, aux obstacles. Je me suis rendu compte que si je suis tombé plusieurs fois dans la vie c’est parce que je me suis relevé autant de fois. Francis Ngannou est celui que l’on ne doit pas renverser. Vous le renversez  10 fois il se relève 11 fois…. Je conseille aux jeunes aujourd’hui d’oublier le mot « impossible ». Ce n’est jamais facile. Rien ne sera facile dans la vie. Toujours est-il que ce sera possible. C’est de cette foi que je me suis inspiré. C’est ma détermination qui m’a propulsé là où je suis aujourd’hui ». C’est tout le message que le jeune champion voudrait faire passer à sa génération, on peut sortir du ghetto des quartiers populaires, pour devenir un héros. Il suffit d’y croire, et ne reculer devant aucun obstacle, fusse-t-il aussi puissant. Comme David face à Goliath, Francis a détrôné le plus puissant des arts martiaux mixtes, et est désormais installé sur le trône.

Roland TSAPI

 

 


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